Zellige et identité. Interview pour l’Espace Rivage

–          Que représente le Zellige pour vous ?

Dès le premier moment où j’ai décidé de l’aborder il y a 10 ans, le Zellige signifiait pour moi, et signifie encore, une sorte de Puzzle. Un jeu géométrique plein de connotations qui ont un rapport direct avec mon identité et avec le territoire où j’ai grandi.

–          Quelle est votre démarche artistique ?

Je travaille à cheval entre l’art et le design, entre l’artistique et le fonctionnel. Non seulement je me sers des méthodes du design pour réaliser mes projets artistiques mais je travaille aussi dans l’autre sens en utilisant la démarche artistique pour développer mes projets de design.

Pour moi le Zellige représente le pilier de ma démarche artistique. D’ailleurs dans ma thèse doctorale où j’analyse l’influence du Zellige dans la création contemporaine entre l’Espagne et le Maroc, j’ai aussi développé ma propre méthode pour générer une infinité de figures géométriques que j’utilise pour créer des compositions inédites qui par la suite donnent naissance à mes créations.

–          Quelle est la particularité de l’exposition « Du Zellige à l’infini » ?

C’est une nouvelle vision sur le Zellige, un élément si présent dans notre culture qui, parfois, peut être mal utilisé dans l’architecture contemporaine. A travers cette exposition je veux montrer l’infinité du Zellige, non seulement géométrique mais aussi en tant que champ de création contemporaine.

–          Le choix d’une forme géométrique a un sens particulier ?

Du côté pratique, toutes les formes sont choisies de façon à ce qu’elles puissent être découpées en argile pour en faire des Zelliges. Quand je réfléchis à une forme, je pense toujours à la réalisation, aux contraintes techniques de la céramique.

Conceptuellement parlant j’essaie de trouver un sens à chaque forme que je crée. Il y a des formes auxquelles j’attribue des caractéristiques purement sonores et musicales en se basant sur la représentation des fréquences et d’autres qui me mènent vers des associations figuratives et narratives.

–          Comment l’architecture influence votre démarche artistique ?

Déjà le Zellige est un élément ornemental qui ne peut être apprécié que dans un espace architectural concret.

Cela dit, toutes mes créations, dessins inclus, sont pensées pour être réalisées à échelle monumentale. On peut dire que dans cette exposition la plupart des œuvres sont des plans et des maquettes de ce qui seront des futures grandes interventions.

–          Pourquoi la représentation de la porte ?

C’est la porte de la Méditerranée, une mer d’échange et de coexistence mais aussi une mer de conflits et d’inégalités.

Le Zellige de cette porte montre la coexistence entre spécimens avec cette métamorphose de poissons. La représentation des grands bateaux en Zellige est une manière de parler des échanges économiques et culturels alors que les petits bateaux peuvent nous parler de la problématique de l’immigration et de l’inégalité. Finalement, et avec une tonalité chromatique plus inquiétante, la représentation de la contamination et du changement climatique viennent s’installer dans cette bande de mosaïques sous forme de méduses, ces petits gélatineux qui envahissent nos plages depuis quelques années, alertant sur notre comportement avec la nature.

–          Quelle est la particularité de la série « Métamorphosis » ?

C’est un jeu mathématique par lequel j’essaie d’accéder à l’infini. C’est une recherche de toutes les combinaisons possibles pour assembler des figures géométriques de la même famille.

Metamorphosis c’est aussi une façon de casser la symétrie du Zellige tout en gardant sa structure et ses bases. C’est ajouter une ligne temporelle dans la lecture du Zellige. Finalement c’est la base de mon travail de recherche et qui m’a mené vers le projet MUSAIC au moment où j’ai trouvé le lien entre la musique et mes géométries.

–          Vous avez utilisé la musique dans quel but ?

Si nous observons de près l’architecture andalouse dans la péninsule ibérique et au Maghreb, nous pouvons ressentir dans les compositions géométriques du Zellige une certaine musicalité et un certain rythme qui, avec la calligraphie sculptée dans le plâtre de ses plafonds et ses murs, nous renvoie à la musique andalouse raffinée et son union avec la poésie arabe classique, comme si les artisans tentaient d’immortaliser la musique de leur époque.

MUSAIC c’est un langage que j’ai créé pour pouvoir traduire visuellement, sous forme de Zellige et de carrelages, les notes musicales de la gamme chromatique ainsi que les partitions musicales. L’idée est de transformer la structure musicale en mosaïques géométriques. Pour cela, chaque note se voit attribuer une figure géométrique, en fonction de la longueur d’onde de ses fréquences, qui sera ensuite utilisée pour créer des compositions complexes et des mosaïques qui représentent des portraits géométriques de chansons et de compositions musicales.

–          Quels sont les messages que vos créations transmettent ?

Coexistence et transmission.

–          Que représente pour vous cette exposition à l’Espace Rivages ?

Cette exposition est tout simplement ma première exposition individuelle au Maroc. Pour moi c’est l’occasion de montrer le travail de ces 10 dernières années que j’ai commencé tout d’abord au Maroc et que plus tard j’ai développé en Espagne.

Je n’aurais pas imaginé meilleur espace que celui de la Fondation Hassan II pour les Marocain Résidants à l’Etranger pour ce bel retour au Maroc.

06 Janvier 2023 Fatiha Amellouk

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